By Alain Gresh
December 17, 1998
Dans la nuit du 16 au 17 décembre, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont procédé í une série de raids contre des objectifs en Irak. Pour le président William Clinton, il s'agirait, avec cette campagne qui doit se poursuivre pendant plusieurs jours, d'« attaquer les programmes d'armement nucléaires, chimiques et biologiques de l'Irak et sa capacité militaire de menacer ses voisins ». Le président américain a évoqué en premier lieu « les intéríªts nationaux des Etats-Unis » pour justifier son action. Bien qu'il ait aussi fait référence aux résolutions des Nations unies, de nombreux membres du Conseil de sécurité et le secrétaire général des Nations unies ne partagent pas cette interprétation des textes de l'ONU.
M. Kofi Annan a estimé que « c'est un triste jour pour les Nations unies et pour le monde », tandis que les représentants russe et chinois dénoní§aient avec d'autant plus de virulence l'intervention américaine que celle-ci s'est déroulée alors míªme que le Conseil de sécurité était en session pour débattre des rapports de la commission chargée du désarmement irakien (Unscom) et de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).
A la suite de ces rapports, M. Kofi Annan avait proposé trois options aux membres du Conseil de sécurité : suspendre l'examen global qui devait avoir lieu de la politique de sanctions contre l'Irak ; donner plus de temps í Bagdad pour démontrer sa volonté de coopérer avec les Nations unies ; entamer l'examen global pour mesurer les progrí¨s réalisés par l'Irak dans la voie du désarmement depuis 1992. Aucun recours í la force n'était envisagé. C'est pourtant ce dernier choix qu'a fait Washington, qui ne cache plus son objectif de renverser le régime du président Saddam Hussein.
Ces événements ont mis en lumií¨re, une fois de plus, le rí´le extríªmement négatif joué par M. Richard Butler, le chef de l'Unscom. Alors que l'AIEA annoní§ait que Bagdad avait rempli ses obligations et que l'on pouvait passer, dans le domaine du nucléaire, du régime d'inspection í celui de contrí´le í long terme, M. Butler prétendait, contre toute évidence, que « la Commission n'est pas en mesure de mener un travail substantiel de désarmement ». Or, en sept ans de travail, l'Unscom a détruit plus d'armes de destruction massive que durant les semaines de bombardements intensifs menés en janvier-février 1991.
D'autre part, M. Butler a rédigé son rapport - véritable « feu vert » aux bombardements américains - sans míªme consulter ses adjoints franí§ais et russe Il a également décidé d'évacuer le personnel de l'Unscom le 16 décembre au matin, sans consulter le secrétaire général des Nations unies, mais aprí¨s en avoir discuté avec des officiels américains. Tandis qu'un des principaux inspecteurs américains, M. Scott Rider - qui a démissionné - reconnaissait avoir travaillé en coopération avec les services secrets israéliens et que d'autres inspecteurs étaient impliqués dans des affaires d'espionnage en Irak, on peut légitimement s'interroger: de qui dépend l'Unscom ? Rend-elle des comptes aux Nations unies ou í Washington ?
Une nouvelle fois, les Irakiens, qui souffrent d'une politique de sanctions absurde qui frappe des innocents et de la brutalité d'un régime cynique, risquent d'íªtre les premií¨res victimes des bombardements décidés au mépris du droit international.